Catherine Coutelle, ancienne députée PS de la Vienne, est l'une des deux co-auteures de la loi sur la prostitution d'avril 2016. Le Conseil Constitutionnel doit se prononcer sur l'une des mesures de cette loi : la pénalisation des clients des prostituées qui est contestée par plusieurs associations.
En novembre dernier, des clients de prostituées et des associations dont Médecins du Monde et le Strass (syndicat du travail sexuel) ont saisi le Conseil d'Etat à propos de la disposition portant sur la pénalisation des clients, mesure phare de la loi votée en avril 2016 qui prévoit une amende de 1 500 euros portée à 3 750 € en cas de récidive. La nouvelle législation vise à renforcer la lutte contre la prostitution et à accompagner les personnes sortant de la prostitution.
Au nom de "la liberté d'entreprendre"
Ses opposants ont posé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en soulevant le fait que le texte n'est pas conforme au respect de la vie privée, à la liberté d'entreprendre et au principe de nécessité et de proportionnalité des peines.Le Conseil d'Etat s'est retourné vers le conseil constitutionnel. Il a entendu, dernièrement, adversaires et défenseurs de la loi et doit rendre sa décision vendredi 1er février.
Médecins du Monde qui fait partie des associations mettant en cause la mesure de pénalisation des clients explique qu'elle aurait contribué à mettre en danger les prostituées devenues moins visibles et donc moins facilement secourues si besoin. Pour ses opposants, cette loi isolerait encore plus les personnes prostituées en renforçant la clandestinité.
Catherine Coutelle qui a ardemment défendu devant l'Assemblée cette loi dont elle est à l'origine, estime que cet argument n'est pas recevable. L'ancienne députée de la Vienne estime que la nouvelle législation, pour laquelle elle s'est battue, offre avant tout une meilleure protection aux femmes et leur permet de sortir des réseaux de la prostitution.
"Une question de dignité humaine"
Catherine Coutelle dit ne pas comprendre que les adversaires à cette loi brandissent l'argument de la liberté d'entreprendre.
"Je ne comprends pas qu'on puisse mettre la liberté d'entreprendre sous le label de la prostitution. On sait la violence que c'est, on sait la difficulté de vivre que représente la prostitution. C'est une contrainte qu'elle soit par des proxénètes, par la traite ou pour des raisons économiques." affirme l'ancienne députée de la Vienne.
"Pour nous, c'est une question de dignité humaine, les femmes doivent être libres de leur sexualité, de leur corps et un corps de femme ne s'achète pas, pas plus qu'un autre corps." ajoute-t-elle.
La loi votée en avril 2016 a également supprimé le délit de racolage et mis en place un parcours de sortie de la prostitution. Elle est actuellement appliquée dans 68 départements français, un chiffre encore nettement "insuffisant" estime catherine Coutelle.
"Ce n'est pas 100%, ce n'est pas normal. Un préfet doit appliquer la loi. La Vienne en fait partie, elle a une commission (de sortie de la prostitution, NDLR). C'est une volonté politique, il faut une volonté politique" insiste l'ancienne élue.
Le Conseil Constitutionnel se prononcera vendredi prochain. Il dira s'il juge la loi conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution ou si le texte doit être amendé.